Une construction passionnante...
Le labyrinthe de Chartres ne peut être considéré comme un simple élément décoratif.
L'élaboration de son dessin fait appel aux plus avancées des connaissances mathématiques de son époque. Rappelons que le Moyen Age était obsédé par la certitude que les nombres et les proportions étaient à la base de la compréhension de toute chose. Chaque découverte de rapports entre nombres ou entre formes était considérée comme une preuve supplémentaire de l’existence d'une loi universelle.
Construit dans un Édifice où la géométrie relie toutes les parties entre elles et dans lequel un très petit nombre de dimension impose leur loi partout,
tout fut mis en œuvre pour que le labyrinthe de Chartres puisse jouer son rôle de haut-lieu spirituel pour lequel il fut doté d'un degré de symbolisme
jamais égalé dans aucun autre labyrinthe.
...et surprenante
* Quand on réalise une projection de la rose de la façade sur le pavement, cette rose consacrée à la résurrection des morts correspond exactement
au labyrinthe, et le centre de la rosace où apparaît le christ en majesté se superpose alors au centre du labyrinthe 24.
Ceci prend d'autant plus de sens après les dernières découvertes du rectorat de Chartres (cf plus bas « origine et symbolisme »)
* Par ses dimensions, il est relié géométriquement à l'ensemble de l'édifice en des points et proportions bien précis, comme son centre qui correspond exactement à 1 des points d'ancrage majeurs du schéma directeur de l'édifice tout entier.
* Il a été construit dans la lignée « officielle » des labyrinthes pour sa forme circulaire à 11 anneaux concentriques, et presque toutes ses parties constituantes sont basées sur la géométrie très spécifique du cercle, symbole de l'éternité et de l'infini.
*A l’époque, l'unité de mesure n'était pas le système décimal mais le pied romain (294,45mm), c'est ce pied romain qui a servi d'unité de base aux bâtisseurs de la cathédrale.
* Dans leur livre, Odette et John Ketley-Laporte constatent que le labyrinthe possède deux dimensions principales (p.111) :
- le diamètre total qui correspond au cercle extérieur le plus large, comprenant la bordure de festons, dont la mesure en pied romain reste en rapport avec cathédrale
- et le diamètre « mystique » du cercle le plus large sans la bordure qui présente des mesures et des proportions intrinsèques au labyrinthe.
La bordure dentelée servirait alors de frontière, entre le monde du profane qui utilise le pied romain standard à l'extérieur et celui du sacré, qui a sa mesure bien à lui à l'intérieur.
Ainsi toute la figure intérieure du labyrinthe s'est calculée sur le « pied du Maître », dont on n'a peu d'éléments historiques sauf sa taille qui a servi pour toutes les mesures internes, soit 294,2mm, supposant qu'il appartenait au 1er Maître-d'Œuvre qui aurait élaboré la figure, même si après, d'autres ont poursuivis le travail en cours.
Reprendre les mesures en pied et non en mètre permet aussi de retrouver des rapports de nombres et de proportions qui n'apparaissent pas avec notre
unité de mesure :
Si par exemple, l'on mesure en cm la rosace centrale, rien de flagrant n’apparaît, alors que si l'on utilise le pied, l'on s'aperçoit
que ce motif, dont la géométrie est loin d'être aussi simple qu'il n'y paraît, incorpore des cercles, dont les diamètres reprennent les nombres symboliques
et harmoniques que sont le 3, 5, 7, et le 10. (cf au schéma)
*** bien d'autres détails surprenants existent, la liste ici n'est pas exhaustive.
Origine et Symbolisme
On trouve des labyrinthes dans toutes les cultures et les continents depuis 2500 AC.
Grecs, Romains, Égyptiens, Indiens, Mayas, Européens, Australiens et Amérindiens ont tous réalisés le motif du labyrinthe à un certain moment et il a été
adopté comme un symbole sacré par de nombreuses religions.
Contrairement à beaucoup d'autres, le labyrinthe de Chartres est parcouru d'un seul chemin qui se déroule sur 261,55 m, en partant de l'extérieur vers
l'intérieur, ce n'est donc pas une figure faite pour se perdre.
Le parcours de ce chemin pourrait être considéré comme métaphore d'un voyage spirituel, un chemin symbolique, méditatif ou initiatique pour se retrouver,
aller au centre de soi-même, au centre de Dieu...
On pourrait le comparer au chemin intérieur qui mène au célèbre « connais toi toi-même » ou l'utiliser comme un "mandala" (dessin de méditation indien
ou tibétain), invitant à une méditation sur soi.
Druides et alchimistes ont également leur symbolique du labyrinthe dont l'objectif est de mener à la transfiguration de l'Ego (mort du Minotaure),
à la mort de la bête qui est en l'homme.
Position du rectorat de Chartres : dernières découvertes
Le labyrinthe de Chartres évoque, par sa plaque gravée qui était en son centre, celui de la mythologie grecque, construit par l’architecte Dédale pour
y enfermer une créature monstrueuse, le minotaure.
Plusieurs textes datant du Moyen âge évoquent une célébration étonnante qui avait lieu au moyen-âge durant la soirée du jour de Pâques :
Au son d'un chant grégorien proclamant la résurrection du Christ, le doyen des prêtres parcourait solennellement les méandres du labyrinthe,
d’un pas rythmé, tandis qu’on tournait autour. Le doyen portait contre sa poitrine une grosse ‘pelote’ jaune. Une fois parvenu au centre,
il lançait cette balle à tous les participants, qui la lui renvoyaient aussitôt, entraînant une danse animée et festive.
Gilles Fresson, attaché de coordination de la Cathédrale de Chartres explique comment cette liturgie met en valeur la véritable utilisation du labyrinthe
et comment « derrière l’impression d’un ‘jeu’, était en réalité représentée - symboliquement - l’une des vérités essentielles de la foi chrétienne:
le Christ ressuscité.
- Dans l’ancienne mythologie grecque, Thésée entre dans le labyrinthe de Crète, y tue le minotaure, et en ressort à l’aide du fil d’Ariane.
-Dans la chorégraphie du rituel qui avait lieu au moyen-âge, le Christ (Thésée) traverse les enfers (le labyrinthe), affronte Satan (le minotaure),
triomphe des puissances de la mort, offrant sa lumière (jaune) à tous ceux qui sont prêts à la recevoir : soit un chemin sûr (la pelote-le fil)
vers la vie éternelle. »
Le parcours du labyrinthe serait ainsi - initialement - une évocation de la résurrection, celle du Christ.
Aujourd'hui
Le labyrinthe de Chartres, héritier d'une longue tradition, a certainement servi d'inspiration à de nombreux autres labyrinthes d'église (Reims, Amiens, Bayeux, Mirepoix,...). Cependant, aucun autre n'a jamais atteint le degré de perfection dont témoigne celui de Chartres.
Malheureusement, dès la fin du XIII ème siècle, il semble que son message commençait à s'estomper dans l'esprit même des plus fidèles pour n'être plus qu'un très vague souvenir au XVIIème siècle. Beaucoup de labyrinthes ont ainsi disparu, et celui de Chartres doit sa survie, d'une part à l’excellente qualité de pierre dont il est construit, et d'autre part au manque de moyens en 1828 qui mit en sursis la restauration du dallage.
Aujourd'hui et depuis quelques décennies, il a retrouvé un immense regain d’intérêt. A travers de nombreuses recherches, les mystères de son
symbolisme se dévoilent peu à peu et de nombreuses interprétations ont été avancées.
Aussi depuis 1995, tous les vendredis, les chaises qui recouvrent le dallage du labyrinthe sont retirées afin de permettre au public de le voir
dans son ensemble et de le parcourir.